Dans la démarche ostéopathique, une notion fondamentale bien que récente est la mise en place en conséquence d’une Force de Traction Médullaire excessive.
La Force de Traction Médullaire (FTM) représente le différentiel de tension entre la structure osseuse de l’ensemble crâne – vertèbres – sacrum et la structure composée des tissus mous de l’ensemble méninges (et leurs extensions) – moelle épinière (1, 2, 3).
L’embryologie nous éclaire sur ce phénomène encore trop peu connu.
La moelle épinière est issue du tube neural, qui est une invagination ectodermique. L’ectoderme est peu sensible à l’hormone de croissance.
A l’inverse, les structures osseuses de la colonne vertébrale et du crâne, ainsi que les méninges, sont d’origine mésodermique, beaucoup plus sensible à la même hormone de croissance.
Cette différence de sensibilité explique la relative remontée de la moelle dans le canal rachidien à partir de la fin du deuxième tiers de la gestation, et l’apparition de la « queue de cheval » représentée par les nerfs rachidiens descendant le long du canal rachidien pour rejoindre leurs trous de conjugaison respectifs.
En effet, crânialement, la moelle est en continuité avec le tronc cérébral et l’encéphale, deux structures insérées dans le crâne osseux et ne pouvant pas glisser caudalement.
Au niveau sacré, la moelle se termine sur le plancher du canal vertébral par un étirement médullaire, le filum terminale qui s’insère au niveau de L7 chez le chien et S3 chez le chat. Les lepto-méninges (pie-mère et arachnoïde) entourent le filum terminale, tandis que la dure-mère s’étire en un cône dural et se termine au filum durale qui s’insère au niveau de la quatrième ou de la cinquième vertèbre coccygienne en s’associant au ligament longitudinal dorsal (4).
La force de traction médullaire résultant de cette ascension apparente est donc physiologique, et participe au bon fonctionnement de l’ensemble de l’axe postural, en intervenant notamment dans la constitution des courbures physiologiques de la colonne.
C’est lorsque cette traction est excessive que des troubles apparaissent, comme cela a été démontré chez l’homme grâce à des techniques d’imagerie fonctionnelles de type Résonance Magnétique Nucléaire.
La corollaire de cette découverte a été la mise au point d’une approche chirurgicale de certains troubles neurologiques ou plastiques avec des résultats variables (5).
Les courbures de la colonne sont également perturbées par un excès de FTM. Dans les cas les plus sévère, les déformations aboutissent à la mise en place graduelle d’une véritable scoliose.
Mais dans des cas moins prononcés, les courbures physiologiques sont accentuées, entrainant notamment une modification de la biomécanique au niveau des ceintures, que ce soit la ceinture scapulaire ou la ceinture pelvienne.
Lorsque la courbure thoracique est accentuée, les forces de tensions sur les scapulas sont modifiées car les muscles dentelés s’insèrent sur les processus transverses des 4 dernières vertèbres cervicales et des 8 premières côtes. En conséquence, la biomécanique des membres antérieurs est perturbée. Les conséquences lors de la croissance peuvent aboutir à la mise en place d’une panardise par exemple.
De la même façon, les tensions excessives au niveau sacré ont tendance à provoquer une flexion du sacrum, et donc à modifier également la biomécanique de la zone pelvienne. Nos dernières recherches vont dans le sens d’une participation de ce phénomène au syndrome de la dysplasie coxo-fémorale.
L’ostéopathie, dans son approche tissulaire notamment, permet d’agir sur cette FTM lorsqu’elle est anormalement élevée. Un suivi des animaux en croissance est donc fortement recommandé, et plus particulièrement dans les races dites à risques pour les défauts d’aplomb telles que les dysplasies.
Corriger ces défauts pendant la croissance est réalisable en tout ou partie grâce aux techniques manipulatoires ; c’est évidemment beaucoup plus difficile et aléatoire chez l’animal adulte.
Nous recommandons une visite aux alentours de 3 mois d’âge pour évaluer cette FTM et mettre en place, si nécessaire, un protocole de soins ostéopathique adapté à chaque cas. C’est ainsi que nous pouvons éviter à nos jeunes animaux de compagnie un handicap permanent.
1. RUIZ DE AZUA MERCADAL Antonio, La force de traction médullaire, Apostill n°11-12, 2002
2. RUIZ DE AZUA MERCADAL Antonio, Importance de la force de traction médullaire, Osteo4pattes n°5, 2003
3. ROYO-SALVADOR M.B., Aportacion a la etiologia de la siringomielia idiopatica, Thèse de doctorat, Barcelone, 1992
4. DOUART Claire, Oniris, 2005
5. ROYO SALVADOR M.B., SOLE-LLENAS J., DOMENECH JM., GONZALES-ADRIO R., Results of the section of the filum terminale in 20 patients with syringomyelia, scoliosis and Chiari malformation. Acta Neurochir, 147(5) : 515-23